Il est des trajectoires musicales qui ne se contentent pas d’habiter une époque : elles la façonnent, l’interpellent, la bousculent. Dans l’histoire culturelle mauricienne contemporaine, deux noms apparaissent aujourd’hui comme les jalons d’une même lignée : OSB, figure fondatrice, et Bilygane, incarnation affirmée de la nouvelle génération. Deux voix séparées par les années, mais unies par une même nécessité : témoigner, dénoncer, éveiller.
OSB, comme un mentor
L’aventure d’Otentik Street Brothers, née au cœur des années 1990, appartient désormais au patrimoine musical de l’île. Guidé par le trio charismatique formé de Bruno Raya (Master Kkool B), Jean-Clario Gateau (Blakkayo) et Kensley Lafolle (Tikkenzo), le groupe s’impose comme l’expression brute d’une génération confrontée aux fractures sociales.


Leur parcours, long de 33 ans, est retracé dans la biographie de référence Panik Dan Baz, œuvre de Stephan Rezannah. On y lit non seulement la naissance d’un style, mais l’émergence d’une conscience. Le seggae et le ragga — leurs armes artistiques — ont transformé les rues en forums, les scènes en tribunes, les menant jusqu’à des festivals internationaux.
OSB n’a jamais été un simple divertissement. C’est un témoignage, une mémoire vivante de luttes et d’aspirations, qui a durablement façonné une esthétique sonore et un discours social dans le paysage mauricien.
Bilygane, la relève
Dans le sillage d’OSB, Bilygane ne surgit pas comme une rupture, mais comme la continuité naturelle d’un récit déjà engagé. Son arrivée marque l’émergence d’une génération qui maîtrise d’autres codes, répond à d’autres urgences, mais porte le même devoir de dire.


À l’image de ses prédécesseurs, il utilise le seggae et le ragga non pas comme de simples styles musicaux, mais comme des vecteurs d’expression politique et sociale. Sa plume, parfois frontale, parfois métaphorique, poursuit ce travail de dévoilement : décrire la misère, dénoncer les injustices, nommer les oppressions.
Bilygane n’imite pas OSB. Il s’inscrit dans leur héritage tout en y insufflant l’énergie d’un temps nouveau, celui où les frontières stylistiques évoluent et où les attentes du public changent. Il devient ainsi le porte-voix d’une génération qui refuse de taire son époque.
OSB – Bilygane : le passage de témoin
Entre OSB et Bilygane, le passage de témoin est net : OSB a lancé le combat, Bilygane le reprend. Ce qui les relie, ce n’est pas seulement le style musical, mais la volonté de continuer une même mission : utiliser la musique pour dire la vérité, dénoncer les injustices et défendre la dignité.
OSB a porté cette lutte pendant plus de 30 ans, avec des textes forts et une présence qui ont marqué la scène mauricienne. Aujourd’hui, Bilygane prend la relève. Il parle la langue de sa génération, mais poursuit le même objectif : éveiller les consciences.


Frontaux ou métaphoriques, leurs textes ont le même rôle : faire réfléchir autant que faire vibrer. Le seggae et le ragga deviennent ainsi les preuves d’une continuité. OSB a posé les fondations. Bilygane en écrit les nouveaux chapitres. Et entre eux s’opère ce passage de témoin que le public reconnaît : un combat qui change de voix, mais pas de sens ; une flamme qui change de mains, mais pas d’intensité.
12 décembre – Shots, Flic-en-Flac : un chapitre qui s’écrit en direct
Le rendez-vous du 12 décembre, aux Shots, à Flic-en-Flac, n’a rien d’un simple concert. Il marque un tournant : un moment où l’histoire de la transmission s’écrit en direct. Sur cette scène, le passé et le présent se rejoignent ; l’Old School et la New School se répondent, prolongeant un dialogue entamé depuis plus de trois décennies.
Ce soir-là, le public sera témoin de ce que les chroniqueurs décrivent comme un « passage de flambeau ». Non pas l’annonce d’une fin, mais l’affirmation d’une alliance : la lutte se poursuit, la conscience demeure, et la flamme, loin de vaciller, gagne en intensité.
En réunissant OSB et Bilygane, la scène accueille deux générations porteuses d’un même message. Une résistance qui se transmet non seulement par les mots, mais par la voix, le rythme, la présence. Deux époques, un seul combat — et une histoire qui continue d’avancer, se construisant au fil des performances, scène après scène.



















