Arrangeur musical, auteur, compositeur, instrumentiste et collectionneur d’instruments rares, Marclaine Antoine est de ceux qui ont pleinement participé à l’avènement et l’essor de la musique mauricienne. Installé au pied de la montagne du Corps de Garde, à Camp Levieux, cet autodidacte représente à lui seul un pan d’histoire. L’un des rares témoins encore vivant de cette époque – comme il le revendique – où les textes, et non les onomatopées, régnaient dans le séga. Il a collaboré avec de nombreux artistes mauriciens, prodiguant à l’un ou l’autre de fort utiles conseils. Au cours de sa carrière, il a côtoyé et accompagné Serge Lebrasse, Roger et Marie-José Clency, Jean-Claude Gaspard, Georgie Joe, Michel Legris ou encore Fanfan, pour ne citer que quelques uns des incontournables de la scène locale.

Né en 1946 d’une famille de musiciens, Marclaine emboîte très jeune le pas à ses proches : à 11 ans, il donne sa première prestation en tant que guitariste, lors d’une audition musicale par la Maison Étoile Tutélaire (future Damoo) au Jardin de la Compagnie. Influencé à ses débuts par Rina Ketty et Edith Piaf, le jeune guitariste et ses frères, noceurs impénitents, enchaînent les fêtes avec leur répertoire populaire et leurs quadrilles, le tout accompagné d’une petite pointe de séga. Au seuil de l’adolescence déjà, Marclaine côtoie les anciens et commence à jouer avec l’orchestre Jazz.

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Puis vient l’ère des instruments électroniques : au détriment de l’authenticité de ceux fabriqués par les artisans locaux, ces instruments – plus souples et faciles à manier- font toutefois sensation entre les mains du jeune guitariste. Évoluant au sein de diverses formations musicales et donnant des prestations à travers l’île, Marclaine améliore sa technique et gagne en popularité. Dans les années 1960, le chef d’orchestre du Circo do Brazil– cirque qui s’était dissous à Maurice – propose un contrat à Marclaine afin qu’il l’accompagne avec le nouvel orchestre.

Ainsi, alors qu’on le considérerait aujourd’hui encore un enfant, le jeune musicien fait route pour l’est de l’Afrique: Kenya, Ouganda et autres pays. Son aventure avec le Circo do Brazil dure cinq mois, le cirque se dissout et son orchestre est rapatrié. Marclaine retourne à Maurice avec l’ancien chef d’orchestre et l’une des chanteuses, une mauricienne : le trio finira par obtenir un contrat à Madagascar, pour l’animation de l’hôtel l’Alegria à Toamasina (Tamatave). S’ensuit un va-et-vient constant pendant 3 ans, jusqu’à la fermeture de l’hôtel.

Le trio prend alors la direction de La Réunion où il obtient un contrat de l’Hôtel d’Europe et l’orchestre du réputé Jules Arlanda. Marclaine aborde ainsi de nouvelles techniques musicale : inhabituelle et quelque peu compliquée, la musique de l’orchestre- tango, polka, cha-cha-cha et autres– contraste avec celles apprises lors de son parcours en Afrique, Marclaine s’adapte naturellement. Une fois son contrat terminé, il retourne à Maurice et devient un itinérant, jouant de part et d’autre : il sera rappelé à La Réunion, ira en Australie avec Jean-Claude Gaspard, au Zimbabwe avec Roger et Marie-Josée Clency et s’envolera également pour les Seychelles.

C’est aux Seychelles que sa carrière musicale prendra une nouvelle tournure. Invité par Patrick Victor à participer à l’un de ses albums en tant que guitariste, il rentrera en contact avec les instruments de la musique seychelloise: bob (bobre), zèse (jejy), makalapo et autres instruments traditionnels encore présent sur les îles de l’archipel. Marclaine, étonné du fait que les Seychellois – dont les origines sont communes aux Mauriciens, certains étant des Mauriciens exilés à l’époque de l’esclavage – utilisent des instruments que l’on ne retrouve plus à Maurice. Il étudie alors leur maniement et va même jusqu’à apprendre comment les fabriquer.

L’artiste s’engage alors dans une nouvelle quête : retrouver les quelques rares Mauriciens et les témoignages historiques et autres écrits qui parlent de l’histoire de ces instruments. Au cours de sa quête, il rencontre un vieil homme, enfant d’apprenti, qui lui partage tout son savoir – savoir unique, conté de père en fils – sur les instruments mais aussi sur l’histoire du séga et de l’esclavage. Fort de ses acquis, Marclaine commence alors à construire ses propres instruments : il s’enrichit dans leur maniement et y apporte des améliorations.

En parallèle à sa revendication des musiques immémoriales et de la revalorisation des instruments ancestraux – autres que la ravanne, la maravane (kaïamb) et le triangle -, Marclaine met en place un studio d’enregistrement et devient par la suite arrangeur musical. La grande majorité des artistes mauriciens de l’époque passent alors par ses mains et il les accompagne sur au moins un de leurs enregistrements ou de leurs morceaux.

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En 2007, il fête son 50e anniversaire de carrière musicale mais l’âge commence à devenir pesant -à la suite d’une congestion ses membres ont perdu de leur dextérité. L’artiste pluridisciplinaire n’a pas pour autant renoncé à sa passion. En quelques mots : dès l’âge de 11 ans, quand Marclaine a tenu une guitare pour la première fois, la musique ne l’a jamais quitté. Conservateur d’une musique ancestrale et d’un passé tombé dans l’oubli, cet homme à l’immense savoir et au cœur bon partage encore aujourd’hui son savoir-faire et ses connaissances à tous ceux désireux d’apprendre– comme il le dit – le véritable séga et son histoire.

 

Source :

– Rencontre avec l’artiste